samedi 13 décembre 2008

Dépister ou éduquer ?

Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, a relancé lundi 1er décembre 2008, l'idée d'une détection des troubles du comportement chez l'enfant dès le plus jeune âge. (voir ici et ) en prétextant une augmentation des chiffres de la délinquance chez les plus jeunes.
Or :
  • d'une part ces chiffres sont eux-mêmes remis en cause par Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS ici.
  • d'autre part le Comité national d’éthique rappelait, dans son avis du 11 janvier 2007 qu’« Une médecine préventive qui permettrait de prendre en charge, de manière précoce et adaptée, des enfants manifestant une souffrance psychique ne doit pas être confondue avec une médecine prédictive qui emprisonnerait, paradoxalement, ces enfants dans un destin qui, pour la plupart d’entre eux, n’aurait pas été le leur si on ne les avait pas dépistés. Le danger est en effet d’émettre une prophétie autoréalisatrice, c’est-à-dire de faire advenir ce que l’on a prédit du seul fait qu’on l’a prédit. »
  • et enfin certains professeurs de pédopsychiatrie affirment que "rien n’est joué à 3, 6 ou même à 10 ans. Mais beaucoup reste à jouer pourvu que l’on veuille bien entendre
    ce que les troubles ont à nous dire et prendre en compte la personne humaine."
    tel que Pierre Delion dans le 4ième de couverture de son livre (cf. ).
Avec la remise en cause de l'existence de l'école maternelle cela nous amène à nous poser la question suivante : "Dépister ou éduquer : faut-il choisir ?". Or c'est précisément le titre d'une intervention de Philippe Meirieu dont vous retrouverez le texte sur son blog, ici
Je me permets de reprendre juste une métaphore à méditer :
"La modernité a peur de ses enfants. Ce n’est pas très nouveau…En 1212, un jeune berger, Étienne, part des environs de Paris et traverse la France entière en entraînant derrière lui deux cent mille enfants à qui il a promis le paradis sur terre. Beaucoup de ces enfants mourront dans la traversée des Alpes, victimes de la famine, du froid ou mangés par les loups. Ceux qui resteront seront vendus comme esclaves en arrivant à Gênes…Alors, à partir de 1212, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre : « On nous a pris nos enfants ! » Bien sûr, même si c’est présent dans l’histoire, on ne dit pas toujours clairement que, pour que le joueur de flûte puisse s’emparer des enfants, il faut une faute des adultes[...] La modernité a fait du joueur de flûte un industriel florissant qui entraîne nos enfants dans la caverne de la brutalité et de l’obscénité médiatiques. Mais, s’il peut ainsi nous voler nos enfants, c’est parce que nous avons manqué à notre parole éducative. Nous avons progressivement laissé notre société être régie par le principe de la captation publicitaire et de la pulsion d’achat, par la sidération et le tribalisme. Nous nous trouvons aujourd’hui dans la situation étrange de ceux qui affirment la liberté absolue pour les marchands d’excitants et veulent la répression la plus totale pour les excités. Nous courons ainsi à notre perte. Le joueur de flûte du caprice mondialisé à des moyens que n’avait pas Étienne ! Alors nous prenons peur et sommes tentés de résoudre tous les problèmes par la contention : contention médicale, contention hypnotique, contention judiciaire, contention disciplinaire sous toutes ses formes… Le pari de l’éducateur, c’est qu’on peut encore, aujourd’hui, tenter de réagir, par l’éducation. Nous ne sommes pas condamnés à la contention. Dans nos institutions, il y aura toujours des douaniers. Soyons fiers d’être des passeurs. Et refusons de passer pour des contrebandiers… La pédagogie nous en donne les moyens. "

Laurent

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